Lilian Compan, pourquoi avoir choisi immédiatement après la fin
de votre parcours de joueur de vous lancer dans une deuxième carrière dans
le football ? N'avez-vous pas ressenti le besoin de couper ?
Comme beaucoup, j'étais déçu d'arrêter. C'est un passage très difficile,
mentalement surtout. J'ai arrêté en février et j'avais une reconversion au
sein du club de l'AS Cannes, qui m'a permis d'être recruteur et directeur
sportif. J'ai finalement eu l'opportunité d'être l'entraîneur des U17
nationaux à Cannes et j'ai trouvé ça intéressant. Quand on me l'a proposé,
après deux-trois mois d'arrêt, je n'avais vraiment pas envie de décrocher et
de prendre une année sabbatique. Je voulais voir si j'avais la fibre pour
entraîner. Je me suis rendu compte que c'est prenant, qu'on est encore sur
le terrain par procuration. Ce que j'ai aimé, c'est transmettre ce que j'ai
appris dans ma carrière. Ce qu'il fallait faire, c'était remettre tout de
suite les pieds dedans pour voir si ça pouvait me plaire. Et ça m'a plu.
Vous avez été directeur sportif d'un club de CFA, coach chez les
jeunes, entraîneur au niveau régional, recruteur à Saint-Etienne, avant de
cumuler maintenant les fonctions d'entraîneur des attaquants et d'adjoint de
la réserve à l'ASSE. Avez-vous la sensation que tout ça se complète ?
Un petit peu. J'ai fait les U17 nationaux, c'était super pour une première
expérience. C'est de la formation, c'est beaucoup plus précis, il faut aller
chercher sur du basique. J'étais dans un club amateur, parce qu'il ne faut
pas dire que l'AS Cannes est professionnelle, même si le niveau était plutôt
intéressant. Je voulais voir après ce que c'étaient les seniors. Ça m'a
montré un aspect différent, d'amateurisme. C'était une expérience difficile,
mais enrichissante.
Difficile en raison du décalage entre le monde amateur et le
monde pro ?
Non, parce que j'ai vraiment eu le respect de tous les joueurs et du club.
Je savais que je prenais une équipe qui allait avoir des difficultés
sportivement toute la saison. J'en étais conscient, et c'était logique,
c'est très difficile sans moyens financiers. Mais ils ont respecté l'homme,
l'ancien pro, et moi j'ai respecté leur plaisir malgré les résultats
compliqués, leur implication. Il faut s'adapter au fait qu'ils aient un
métier à côté. Les premières semaines, ce n'était pas évident pour moi, mais
je me suis vite rendu compte qu'il fallait que je m'adapte à ce monde
amateur. Ça a été très bien fait toute l'année, c'était un échange entre les
joueurs et moi. Malgré tout, c'était une année très enrichissante, mais
difficile sportivement, parce qu'on n'avait pas les capacités de faire une
belle saison.
Pourquoi n'avez-vous pas pu trouver un challenge plus intéressant
que celui proposé par l'US Cannes La Bocca en DHR (septième division) ?
Même en ayant une carrière de footballeur derrière soi, on ne donne pas
aussi facilement que ce qu'on pense une équipe première à charge à un ancien
pro, surtout dans les clubs amateurs. Il y a parfois une concurrence
déloyale par rapport à certains éducateurs de clubs, et c'est dommage. On
est tous de passage dans les clubs.
Votre passage par le niveau amateur a-t-il modifié votre
perception de recruteur sur les joueurs ?
Ce qu'il faut, c'est se sentir motivé du début à la fin. Si on sent à un
moment donné qu'on n'a plus l'envie, il faut arrêter. J'ai vu des joueurs
très bons au niveau amateur et d'autres très moyens évoluant dans des clubs
professionnels. Il n'y a pas trop de vérité. Peut-être qu'ils n'étaient pas
là au bon moment, qu'ils n'ont pas été vus par les bonnes personnes. C'est
vrai qu'on passe à travers des joueurs, mais si le talent et l'état d'esprit
se réunissent, que ce soit à 12-13 ans ou 17-18 ans, c'est obligé de sortir.
C'est le retour que j'ai à faire. Je pensais qu'entre 14 et 16 ans, on avait
les meilleurs joueurs. Mais aujourd'hui, je vois très bien qu'il y en a qui
sortent à 20 ou 21 ans avec beaucoup de talent, parce qu'ils n'ont pas pu
éclore avant pour X raisons.
Depuis deux ans, vous êtes revenu à Saint-Etienne. Comment s'est
organisé ce retour dans un club où vous avez évolué comme joueur pendant
trois saisons (2002-05) ?
Ça faisait déjà deux-trois ans que j'avais de bonnes relations avec
Saint-Etienne, mais il n'y avait pas de possibilité au club pour moi sur mon
rôle de recruteur jusqu'à il y a un an. Ça a commencé comme ça. Le
recrutement, j'aimais bien pour l'avoir fait à Cannes pendant quelques mois.
Après trois ans, je me disais que je pouvais m'éloigner du terrain pour voir
si ça me plaisait. C'était le cas, mais le terrain me manquait. Au bout de
six mois, Sainté m'a proposé d'être entraîneur des attaquants, j'ai accepté
et j'ai fait les deux rôles pendant les six derniers mois de la saison
passée.
Vous êtes entraîneur des attaquants dans toutes les catégories
exceptées les pros. Qu'apportez-vous concrètement ?
Ce qui était super intéressant sur le rôle d'entraîneur des attaquants,
c'est qu'on a vraiment bien travaillé avec les coachs de chaque catégorie.
Il y avait une bonne complémentarité entre eux et moi. Comme je le disais
auparavant, je transmets des idées, des attitudes à des jeunes, pour les
mettre en application. On continue cette saison, je suis à plein temps
entraîneur des attaquants et adjoint de la CFA2. Il y a un bon compromis
entre les deux.
L'attaquant que vous étiez se reconnait-il dans ceux
d'aujourd'hui ?
C'est difficile. Ils ont leur caractère. Bien évidemment qu'on essaye
d'inculquer des valeurs de gagne, de les inciter à travailler et à ne pas
lâcher. Après, ils vont dessiner leur carrière. A Saint-Etienne, on est très
à cheval sur le respect et l'état d'esprit. Ça nous tient à c?ur par rapport
au club et à la région. On inculque ça, mais les joueurs en font ce qu'ils
veulent. A eux de reproduire sur le terrain ce qu'on essaye de leur
apprendre. Ce sont des jeunes très attentifs, ils écoutent, mais mettent-ils
en application ce qu'on leur dit ?
Quels sont vos objectifs à moyen terme dans votre parcours de
technicien ?
Aujourd'hui, les deux rôles me plaisent. Je suis complètement satisfait de
cette situation. Je n'ai pas d'équipe à charge, je passe une année de
formation à Clairefontaine (ndlr : pour le DEF, dernière étape avant le
DEPF), ça me libère de toute cette pression. Par rapport à la saison qui
m'attend, je suis ravi. C'est vrai que j'ai envie de retrouver un poste
d'entraîneur, mais je ne suis pas obnubilé par ça. Je suis revenu à
Saint-Etienne depuis deux ans maintenant, je suis bien dans mes chaussettes.
J'ai retrouvé un club que j'aime beaucoup, avec des anciens coéquipiers qui
sont coachs comme moi. Ça marche bien, il y a une bonne ambiance, c'est
plutôt sympa. Au bout de trois années, j'apprends aux côtés de Laurent
Batlles ou de Julien Sablé, qui ont plus d'expérience comme entraîneur.
Peut-être que d'ici un an ou deux, j'aurai un discours différent et j'aurai
envie d'être numéro 1.